Un bistrot à ciel ouvert
Dans le village, entre la boulangerie, la supérette et la maison de la presse, face à l’église, il y a un bistrot. Ce n’est pas un bar, un café ou un troquet, mais un bistrot, un « rade », comme on dit encore parfois. Ce qui caractérise le bistrot, c’est le public. Ce sont des habitués, pas des clients d’un jour qui commandent un thé vert ou un whisky, mais des artisans, des ouvriers, des chasseurs, des retraités… qui partagent un « petit noir » ou un verre de muscadet.
Les conversations, qualifiées péjorativement de « brèves de comptoir », ou propos de bistrot, ne relèvent pas de la haute volée. On parle de la pluie et du beau temps, mais aussi des difficultés de la vie, et il y a belle lurette que la grogne habituelle a fait place à une colère rentrée. Les artisans sont écrasés de charges, des ouvriers peinent à joindre les deux bouts, les retraités pleurent sur la Csg, en sachant fort bien qu’en majorité, ils vivent bien, et les chasseurs ne comprennent pas pourquoi on limite le prélèvement des sangliers qui ravagent les cultures.
Les grommellements ont laissé place à la détestation de tous les pouvoirs : beaucoup ne votent plus, Emmanuel Macron est une étoile pâlichonne venue d’ailleurs dont les mots alambiqués font rire, les accoudés à l’heure de l’apéro se rassurent autour d’un discou