
La littérature des inégalités
La littérature française contemporaine met en lumière l’impossibilité de sortir de la pauvreté. Les tableaux sociologiques pessimistes sont souvent animés par un humour grinçant.
Les inégalités prospèrent et se creusent : le spectacle des misères et des injustices sociales se joue en boucle sur nos écrans ou réseaux sociaux. Il ne va pas sans une indécence certaine, tant il répond à un tempo médiatique et se pare de chiffres, statistiques, courbes et paroles expertes. Présentés tantôt comme une fatalité des marchés, tantôt comme l’occasion de susciter une indignation ou une compassion vite consommées, les discours sur l’accroissement des inégalités ont tôt fait d’occulter les existences, les singularités qui s’y jouent. Face à cet « universel reportage », la littérature garde le privilège de laisser des expériences se dire à voix humaine ou de tisser des réseaux de sens et d’interprétation inédits, hétérogènes ou complémentaires aux autres.
S’il existe une tradition française du récit social dont le naturalisme de Zola ou les fresques hugoliennes ont été des modèles, il semble que les romans contemporains ne visent plus l’avènement de lendemains radieux et justes. Plus désenchantés, certains d’entre eux s’emparent d’un sentiment collectif de perte d’un idéal et tentent d’en sonder la généalogie et les effets. Peut-être parce que, désormais, le simple fait de prendre acte des inégalités comme symptôme de notre malaise contemporain, de se réapproprier le langage contre les effets d’aliénation du monde marchand, relève déjà d’une résistance face à une dégradation de nos sociétés.
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