
Bernard Noël in memoriam
La disparition de Bernard Noël est l’occasion de revenir sur l’homme et son œuvre protéiforme, qui va de la poésie au roman érotique, en passant par la confection de dictionnaires et met l’exigence formelle au service de la dénonciation de l’horreur
« La nuit meurt d’un rien
D’un éclat
D’une étincelle »
Le 13 avril 2021 disparaissait Bernard Noël, écrivain majeur de notre temps. Son œuvre, aussi ample que profonde, continue de nous interroger. Né en 1930, il fait partie d’une génération marquée par les horreurs du xxe siècle, avec la Seconde Guerre mondiale et les camps de concentration, la bombe atomique, le stalinisme et le nazisme, les guerres coloniales. Face à ces fléaux, et après avoir publié son premier recueil de poèmes en 19581, il est pris par l’imposition du silence : il vivra un conflit intérieur qui oppose le pouvoir des mots au mutisme volontaire.
Engagé aux côtés des Algériens pendant la guerre d’indépendance, Bernard Noël est un « porteur de valises » qui appuie l’action du Front de libération nationale. Emprisonné, il entend durant la nuit les cris des torturés et dira combien cette épreuve l’a ébranlé, lui a ôté l’envie d’écrire. Pendant une dizaine d’années, il vivra de sa plume, mais en participant à la rédaction de dictionnaires. Il en tirera la certitude que sa maîtrise du langage a été acquise au cours de cet épisode, où la précision exigée par l’écriture lui a donné une virtuosité dont il saura ensuite tirer parti.
Son activité d’auteur sera ancrée dans un engagement profond dans des luttes diverses et portée par un sens du refus f