
La Corne de l’Afrique, un champ de bataille à deux échelles
Les pays situés sur la rive africaine du Golfe d’Aden (Ethiopie, Somalie, Djibouti) constituent un enjeu géostratégique majeur pour de nombreuses puissances. La guerre civile qui déchire la région depuis 2020 contribue à déstabiliser des territoires traversés par une des plus importantes routes maritimes du monde.
Depuis de nombreux mois, la stabilité du système international inquiète : recul de l’hyperpuissance américaine, rapprochement de la Chine et de la Russie et conflit sur des territoires tiers, comme l’Ukraine. Si les événements qui se déroulent dans la Corne de l’Afrique sont révélateurs de ces transformations, ils nous invitent aussi à la prudence. Les alliances qui s’y nouent montrent qu’il ne faut pas oublier les contingences locales et les capacités d’action des acteurs dits « périphériques ».
Un nouveau grand jeu ?
En 2014, l’internationaliste Nuno P. Monteiro publiait un ouvrage majeur sur l’unipolarité du système international, toujours dominé par les États-Unis1. Il y avançait que la Chine, notamment, n’avait ni les capacités ni l’ambition de projection de puissance (en dehors de son étranger proche) des États-Unis. Les événements dans la Corne de l’Afrique invalident cette hypothèse. L’installation d’une base chinoise à Djibouti en 2017, ainsi que la nomination d’un envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique en 2022, alors même que la Chine s’est toujours prévalue du principe de non-ingérence, est un tournant important.
En revanche, ce qui semble faire consensus dans ces débats théoriques est que la configuration du système international est marquée par un désordre généralisé et le retour d’une forme de multipolarité, où la compétition entre les grandes puissances augmente les