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Photo UNclimatechange via Flickr
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Cop27 : gains et dommages

Le résultat principal de la dernière conférence mondiale sur le climat est la mise en place d’un fonds pour la justice climatique, mais il est mal doté et ses contours restent flous. Surtout, le texte final ne fait aucune référence à un arrêt des énergies fossiles.

La Cop27, qui s’est déroulée du 6 novembre au 19 novembre 2022, s’est terminée avec un jour de retard, ce qui est devenu habituel depuis la Cop25, avec des négociations de plus en plus âpres sur des points de plus en plus urgents. Cette conférence mondiale sur le climat, qui avait pour mot d’ordre la mise en œuvre du Pacte climatique de Glasgow1, s’est tenue dans un contexte géopolitique mondial perturbé, notamment sur la question de l’énergie, en raison de la guerre en Ukraine. Toutefois, malgré la tentative de la présidence égyptienne de l’enterrer, l’objectif principal de contenir le réchauffement à +1, 5° C à horizon 2100 a été sauvé de justesse, et l’importance de l’urgence climatique a été réaffirmée dans le texte final. Nous présentons ici trois éléments de cette conférence qui nous semblent particulièrement saillants.

Un fonds pour les pertes et dommages

Le résultat principal de la Cop27 est l’annonce de la mise en place officielle d’un fonds pour la justice climatique, financé par les principaux émetteurs historiques et à destination des pays en développement. Parmi les pays développés, c’est d’abord l’Union européenne qui a officiellement accepté de participer, suivie par les États-Unis. Les petits États insulaires avaient appelé de leurs vœux la création d’un tel fonds dès 1991. Attendu de longue date par les pays les plus vulnérables, il n’est toutefois doté que de 350 millions de dollars, alors que le produit intérieur brut mondial était de 96 000 milliards de dollars en 2021, d’après les données de la Banque mondiale. À ce propos, l’académicien Philippe Ciais souligne que ces montants insuffisants sont à mettre en perspective avec ceux placés dans des paradis fiscaux, que Gabriel Zucman estime à près de 8 700 milliards de dollars2. La mise en place opérationnelle du fonds est prévue pour la mi-décembre 2022, avec notamment la nomination d’un comité de transition composé de dix pays développés financeurs et d’une quinzaine de pays en développement bénéficiaires.

Il reste néanmoins à définir précisément qui seront au juste les bénéficiaires, désignés comme « les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets adverses du changement climatique ». Cette expression relativement floue inclut notamment les petits États insulaires et les pays les moins avancés, mais laisse planer l’incertitude sur le cas de pays pauvres qui sortent récemment de cette catégorie, comme le Pakistan qui a pourtant subi des événements climatiques extrêmes en 2022. Ce fonds servira essentiellement à financer le Global Shield Financing Facility, mis en place par l’Allemagne, une structure « bouclier » constituée pour large part de dispositifs d’assurance pour les aléas climatiques. Le compte n’y est toujours pas pour les 100 milliards de dollars par an promis pour 2020 dans le cadre du Fonds vert pour le climat de la Cop21, qui se présente comme un fonds de solidarité, c’est-à-dire un don, et non un dû lié à une responsabilité établie comme le fonds pour les pertes et dommages de la Cop27.

Un autre point majeur, acté lors de la Cop27, vise à encourager toutes les grandes institutions financières globales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, à être parties prenantes du règlement de la crise climatique.

Toujours les énergies fossiles

L’accord de Paris est préservé, mais le texte final de Charm El-Cheikh reste néanmoins entouré d’un flou artistique délibéré et d’une absence de référence à une sortie des énergies fossiles. Intitulé « Plan d’implémentation de Charm el-Cheikh », il ne mentionne ni un renforcement des ambitions ni un plan de sortie des énergies fossiles. Le chef de la délégation européenne, Frans Timmermans, a ouvertement fait part de sa déception, alors que les Européens font partie des rares à avoir annoncé un renforcement, certes faible avec +2 % de leur ambition dans le cadre du Pacte vert3.

À l’instar du Pacte climatique de Glasgow, le texte de Charm El-Cheikh fait bien référence à une réduction progressive du recours à l’extraction de charbon, mais ne fait aucune référence à un arrêt des énergies fossiles en général. Comme c’est habituellement le cas lors des Cop, les principaux blocages ont notamment émergé des grands pays pétroliers, comme l’Arabie Saoudite et le Qatar, mais également de la Chine. Pourtant, d’autres producteurs issus des pays développés, comme la Norvège ou les États-Unis, ont manifesté leur bonne volonté pour travailler à la sortie des énergies fossiles. Les États-Unis ont été particulièrement présents, avec de nombreuses annonces et de multiples événements animés par John Kerry, l’envoyé spécial pour le climat du président américain. Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, António Guterres, a également souligné sa déception sur l’absence d’engagement clair à propos d’une réduction drastique et immédiate des émissions.

Les discours de plusieurs chefs d’État et de délégation, notamment celui du président Macron, ont par ailleurs rappelé l’intrication entre le climat et la biodiversité, qui exige davantage de synergie. Si le texte final issu de Charm El-Cheikh le mentionne bien, il ne fait néanmoins pas explicitement référence à la Cop15 sur la biodiversité, qui doit pourtant se tenir à Montréal du 7 au 19 décembre 2022.

Plusieurs experts ont estimé que la présidence égyptienne a moyennement tenu son rôle de facilitateur neutre et certains observateurs de la délégation française ont confié que celle-ci avait probablement des partis pris envers certains gros émetteurs. À ceci s’ajoutent les critiques en raison de la forte présence du lobby fossile à la conférence (bien que ce soit, hélas, le cas chaque année), de la faible présence des associations et de la société civile et des problèmes de démocratie en Égypte. La Cop28 se tiendra Dubaï, dans des Émirats arabes unis qui ne sont pas non plus considérés comme un parangon de démocratie ni un haut-lieu de sobriété environnementale, mais il faudra s’accommoder de ce hasard du calendrier, lié aux règles de présidence tournante du système onusien.

Un rituel nécessaire

Même si elle a généré des frustrations, la Cop27 a constitué un moment culturel et scientifique important. C’est pourquoi, malgré les voix de plus en plus nombreuses s’élevant contre la tenue des conférences sur le climat, dont celle de Greta Thunberg qui a boycotté la Cop27, le maintien de celles-ci est essentiel, ne serait-ce que parce qu’elles créent un élan régulier et médiatisé, susceptible de toucher et maintenir en alerte les opinions publiques des pays du monde entier, dont certaines populations n’entendent parfois parler de changement climatique qu’à cette occasion. Ces rassemblements ritualisés sont nécessaires pour prendre au sérieux des valeurs communes. De plus, l’issue d’échanges diplomatiques et commerciaux importants peut se trouver transformée grâce une présence réelle qui, grâce, à un regard, un sourire ou un battement de cils, peut permettre de surmonter des blocages qui persisteraient avec des outils de communication virtuelle.

Malgré la difficulté d’accéder à la Cop27, au vu des prix élevés des hôtels et des billets d’avion, les jeunes ont néanmoins fait l’objet d’une mise en avant sans précédent avec, pour la première fois de l’histoire des conférences, un pavillon dédié pour les jeunes et les enfants. La Cop27 a également accueilli un forum sur le climat entièrement organisé par des représentants de la jeunesse mondiale.

Cette conférence a aussi été marquée par une forte participation des scientifiques, lors du traditionnel Earth Information Day, des discussions de l’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique, et dans les nombreux événements connexes et dans la presse.

En ce qui concerne le bilan mondial pour le suivi du suivi des engagements et de l’ambition climatique pour l’atténuation qui doit démarrer en 2023, le deuxième dialogue technique sur le sujet s’est tenu lors de la Cop27. Un sommet spécifiquement dédié à l’ambition climatique, organisé par le secrétariat des Nations unies, se tiendra en 2023, en amont de la Cop28.

  • 1. Voir Mounia Mostefaoui, « Le pacte climatique de Glasgow » [en ligne], Esprit, décembre 2021.
  • 2. Voir Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations. Enquête sur les paradis fiscaux, Paris, Seuil, 2017. Voir aussi le compte rendu de son Triomphe de l’injustice (Seuil, 2020).
  • 3. En l’état actuel des choses, les méthodes de vérification ne permettent pas d’atteindre une précision à 2 % près, et donc une telle annonce demeure invérifiable.