
La démondialisation
Toutes les sphères de l’existence ont été pénétrées par le capital et soumises à la quantification. Dans ce cadre, la frontière n’est plus que la violence qui sous-tend l’ordre de notre monde, une guerre contre la mobilité qui remplit l’Europe de morts et de camps d’étrangers. Osera-t-on imaginer l’abolition des frontières ?
L’escalade est incontestable. Il n’existe plus de sphère de l’existence contemporaine qui n’ait point fait l’objet d’une pénétration par le capital. Certes, cette pénétration est inégale. En bien des régions du monde, elle est surtout vécue par procuration. Frappées d’hébétude par la pauvreté, l’indigence et le dénuement, des classes entières de populations font, en direct, l’expérience de la dissociation entre le monde effectivement vécu, celui de la vie corporelle à un point particulier du sol terrestre, et celui, béat et ubiquitaire, des écrans, certes à portée de leurs yeux, mais si éloigné de leurs mains, de leurs voix et de leurs avoirs.
Qu’il s’agisse des affects, des émotions et des sentiments, des compétences linguistiques, des manifestations du désir, du rêve ou de la pensée, bref de la vie tout court, rien ne semble désormais échapper à son emprise. Il a capturé jusqu’aux bas-fonds du monde, laissant souvent derrière lui de vastes champs de débris et de toxines, des déchets d’hommes rongés de plaies, de chancres et de furoncles. Tout étant devenu une source potentielle de capitalisation, le capital s’est fait monde, un fait hallucinatoire de dimension planétaire, producteur, sur une échelle élargie, de sujets à la fois calculateurs, fictionnels et délirants.
Le capital s’étant fait chair, tout est devenu une fonction du capital, y compris l’intériorité. Les processus qui mènent à cette extension intégrale sont erratiques. Partout, ils créent de l’a