
Antoine Émaz. Le douloureux courage de vivre
Il faut du courage pour aborder Antoine Émaz. Entendons-nous bien, la lecture de ses textes n’est pas difficile : il use d’un vocabulaire simple jusqu’à l’extrême, d’une syntaxe on ne peut plus sobre et directe, on voit d’emblée où vont ses phrases, comme des pas comptés et mesurés devant soi. Si l’on note une sorte de simplicité obstinée dans sa relation au monde, on comprend surtout que c’est par volonté quasi expérimentale. Antoine Émaz est un observateur scientifique de la quotidienneté : les observations qu’il rapporte, il les consigne dans des carnets dont il détache quelques feuillets qu’il groupe sous forme de poèmes. Trois, quatre pages au maximum, constituent, assez paradoxalement d’ailleurs, des poèmes longs, mesurés à l’aune du poème moyen, bien que les notations qui les composent soient courtes, succinctes, presque livrées au compte-gouttes.
Le courage dont nous parlons est plutôt celui qu’exige de chacun d’entre nous l’effort d’être vivant et lucide tout à la fois. Car poésie et lucidité ne font pas toujours bon ménage. C’est cependant le parti et le pari courageusement pris par Antoine Émaz : les faire coexister de force, au moins le temps d’un poème. Sa réflexion s’exerce donc au plus près du simple fait de respirer, de marcher, de manger, de dormir, de naître et de mourir. Jamais le poète Émaz ne s’enflamme, ne s’enthousiasme, ne se paie de mots ni surtout d’images.
Mémoire au bout des mots que l’on est certain d’avoir