
Aujourd'hui
Contre la réduction de l’œuvre de Lefort à la question politique, il faut rappeler son ancrage anthropologique et historique. En témoigne l’attention à l’idéologie contemporaine qui rend invisible le politique par sa réduction au marché et invente une fiction de communauté par la machine à communiquer numérique.
Pour Éric Lefort,
« En s’efforçant de déchiffrer ce qui lui est le plus proche, le penseur politique se laisse entraîner dans de multiples défilés ; il peut souhaiter non pas survoler les temps et les espaces, mais les traverser, pour mieux saisir la configuration de son propre espace-temps, pour déceler au moins des questions dernières ; mais, au mieux de sa tentative, ces questions paraissent d’une telle généralité qu’elles ne font – si forte soit par moments son assurance d’avoir découvert les principes d’où se déduisent toutes les conséquences – que le remettre au contact de l’énigme singulière que lui pose le présent. La pensée du politique excède le cadre de toute doctrine et de toute théorie[1]. »
Avec Paul Ricœur, Cornelius Castoriadis, Hannah Arendt et Pierre Hassner, Claude Lefort est l’un des auteurs qui aura le plus compté à Esprit entre 1975 et le début des années 2000[2]. S’il est normal que l’auteur d’une œuvre exceptionnelle sur Machiavel trouve tardivement une reconnaissance universitaire, il n’a au demeurant jamais cherché celle-ci de son vivant. D’autant qu’il se demandait, comme Hannah Arendt, s’il était un philosophe et qu’il devait reconnaître discrètement qu’il avait toujours voulu être