
La démocratie illibérale en Europe centrale
« La non-démocratie libérale, c’est terminé. Quelle journée ! Quelle journée ! Quelle journée1 ! » Ainsi s’exprimait le Premier ministre de la Hongrie, Viktor Orbán, le lendemain de la victoire de Donald Trump. Alors que le reste de l’Europe était encore groggy, Orbán, lui, était euphorique. « Je me sens libéré », a-t-il dit, des contraintes de l’Union européenne et du politiquement correct. « Justifié » serait peut-être le mot le plus approprié. Depuis son accession au pouvoir en 2010, son « changement de régime » a été critiqué à la fois par l’Union européenne et par l’administration Obama. Avec le référendum du Brexit au Royaume-Uni (« Le plus grand acte de défiance à l’égard de l’establishment depuis l’avènement du suffrage universel2 ») et Donald Trump à la Maison-Blanche, il sentit, à juste titre, que le vent avait tourné. Les discours populistes critiqués à l’Ouest du continent se trouvent légitimés, tandis qu’on assiste à l’éclipse du modèle de référence, européen et américain, qui fut important pour les transitions démocratiques d’après 1989. Le modèle d’antan en trois phases – transition démocratique, consolidation, intégration européenne – est dorénavant battu en brèche : la « déconsolidation » de la démocratie3 va de pair avec les reculs de l’Union européenne.
Le spectre du populisme hante l’Europe. Les élections présidentielles en Autriche, Geert Wilders aux Pays-Bas, le parti Cinque Stelle de Beppe Grillo en Italie ou le Front national de Marine Le Pen en France sont autant d’illustrations de l’émergence d’une variété de forces politiques populistes et nativistes qui contestent la démocratie libérale, redessinant ainsi le paysage politique de la plupart des États membres de l’Union européenne, et menaçant cette dernière de paralysie, voire de désagrégation. Bien que l’on assiste à une montée des partis populistes et nationalistes ailleurs en Europe, il n’y a qu’à l’Est de l’Union qu’ils sont au pouvoir. C’est une différence notoire, mais aussi un avertissement.
Pendant une vingtaine d’années après 1989, les pays d’Europe centrale et orientale se sont employés à reproduire les modèles politiques et constitutionnels occidentaux. Les signes de « fatigue démocratique », voire des risques de « rechute » dans tel ou tel pays, étaient attribués aux héritages du passé communiste et au retard des démocraties à l’Est du continent. Désormais, avec la poussée des populismes europhobes en Europe occidentale, la relation centre-périphérie change : l’Europe centrale passerait presque pour l’« avant-garde » populiste de la crise des démocraties occidentales.
Le terme « populisme » désigne ici des courants politiques pour lesquels l’appel au peuple est la source première de légitimation politique. Ce dernier y est généralement opposé aux élites libérales qui, au plan interne ou européen, entraveraient l’expression de cette volonté populaire. L’appel au peuple étant constitutif de la démocratie, il ne suffit pas de taxer ces courants de « menace pour la démocratie » ; le problème, c’est le monopole revendiqué sur la représentation du peuple et donc le rejet du pluralisme qui participent des dérives autoritaires récentes en Europe centrale et de l’Est. L’autre clivage constitutif des courants populistes est celui posé entre le peuple ou la nation d’un côté et les populations étrangères de l’autre. À la question classique de la représentation politique et de l’État de droit est venue s’ajouter celle de l’identité nationale et, à travers l’établissement de migrants dans l’Union européenne, celle des frontières et de la souveraineté des États membres.
Quels sont les traits spécifiques de la « démocratie illibérale » en Europe centrale et orientale ? Quels sont ses ressorts et comment l’expliquer ? Enfin, faut-il voir l’intégration européenne comme une victime collatérale de la poussée populiste ou bien l’Ue est-elle aussi un facteur ayant contribué à sa naissance ?
Nationalisme et démocratie illibérale
Après 1989, alors que dans les Balkans les guerres ayant mené à la dislocation de la Yougoslavie, la régression économique et la faiblesse des sociétés civiles faisaient échouer les transitions démocratiques, et pendant que l’espace post-soviétique (à l’exception de la région baltique) évoluait vers la mise en place de régimes hybrides d’« autoritarisme compétitif », par contraste, les pays d’Europe centrale conciliaient la consolidation des démocraties libérales avec l’intégration dans l’Union européenne.
Pendant plus de vingt ans, la région a connu un processus remarquable et historiquement sans précédent de convergence avec l’Europe de l’Ouest en termes d’économie (Pib par habitant comparé à la moyenne de l’Ue), de sociologie (mobilité, consommation, modes de vie ou espérance de vie) et de développement des institutions politiques de la démocratie libérale. La puissance « transformatrice » de l’Union européenne, une institution fondée sur un partage de principes et de normes juridiques, reposait sur la conditionnalité établie entre l’adhésion à l’Ue et la mise en place d’institutions de l’État de droit.
La régression démocratique des dernières années combine deux caractéristiques : premièrement, une rupture avec l’État de droit comme fondement de la démocratie libérale ; deuxièmement, la montée du nationalisme comme première source de légitimation politique, entre souverainisme et crispation identitaire. Ces deux caractéristiques, dans le contexte d’une crise migratoire majeure, ont fait remonter à la surface un clivage Est-Ouest au sein de l’Union européenne. Le parti Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie en a été le précurseur. Il est arrivé au pouvoir au printemps 2010 avec la moitié des suffrages exprimés, ce qui lui a donné une majorité constitutionnelle des deux tiers au Parlement, compromettant la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la Cour constitutionnelle et du système judiciaire4, ainsi que l’indépendance des médias. La juriste Kim Lane Scheppele a qualifié le résultat de « Frankenstate » (« État Frankenstein ») combinant les pires pratiques qui puissent exister dans tous les domaines de la gouvernance. Depuis, le Fidesz gouverne sans véritable opposition – les socialistes sont réduits à la portion congrue au Parlement et le parti d’extrême droite Jobbik se contente de faire de la surenchère. Cette majorité a permis au gouvernement du Fidesz l’adoption de plus de six cents lois et surtout d’une nouvelle Constitution, déjà amendée six fois. L’indépendance des médias et les pouvoirs de la Cour constitutionnelle furent remis en cause dès 20115. Le contrôle de l’administration par le parti au pouvoir – la loyauté politique avant la compétence – complète désormais ce tournant anti-libéral.
« Budapest à Varsovie »
C’était l’un des slogans du parti PiS (Droit et justice) lors des élections polonaises d’octobre 2015 et la Hongrie a servi de modèle à la Pologne après la victoire du PiS. La solidarité des deux pays ne s’est pas démentie depuis. En septembre 2016, le chef du PiS, Jaroslaw Kaczynski, et Viktor Orbán se sont retrouvés au forum de Krynica, en Pologne, pour appeler de leurs vœux une « contre-révolution » (sic) en Europe. Son but est de « changer l’Union européenne elle-même, ses structures, ses processus de prise de décision » et de transférer les pouvoirs vers les parlements nationaux6. À l’occasion du 60e anniversaire de la révolution hongroise de 1956, Viktor Orbán et le président polonais Andrzej Duda ont de nouveau réaffirmé la solidité de l’« axe » Budapest-Varsovie, ancré dans l’histoire et les valeurs chrétiennes.
Dans les semaines qui ont suivi son arrivée au pouvoir, le gouvernement PiS a procédé à la modification des règles de nomination des juges constitutionnels, effectué une purge d’envergure dans les radios et les chaînes de télévision publiques et aboli l’impartialité politique dans l’administration publique. Jusque-là, la « démocratie illibérale » autoproclamée de Viktor Orbán pouvait être considérée comme une exception. Avec la Pologne, pays pivot pour la région, qui adopte le même cap, la donne politique a changé en Europe centrale.
Entre la Hongrie et la Pologne, la Slovaquie est maintenant dirigée par Robert Fico, dont la virulente rhétorique anti-migrants lui a valu le qualificatif d’« Orbán de gauche ». La coalition au pouvoir repose sur l’alliance d’un parti national-populiste de gauche, Smer (« Direction »), avec un parti nationaliste de droite, le Parti national slovaque (équivalent du Fn). Ce dernier a quelque peu adouci sa rhétorique par rapport à sa virulence d’il y a vingt ans, laissant ainsi un espace au parti extrémiste néofasciste Notre Slovaquie, dirigé par Marian Kotleba, qui a fait son entrée au Parlement après les élections de mars 20167. Robert Fico avait fondé sa campagne électorale sur un positionnement ouvertement xénophobe, en plein contexte de vague migratoire, espérant ainsi ne laisser aucune place à d’autres nationalistes8. Mais le contraire s’est produit : il n’a fait que légitimer leur discours sur la défense de l’identité nationale, ce qui a conduit à son éclipse par des xénophobes plus radicaux encore. La politique slovaque affiche donc un continuum de nationalismes9. En novembre 2015, Robert Fico a défié la Commission européenne à la Cour de justice de l’Union européenne sur les quotas de migrants (« Personne ne peut nous contraindre à accepter des migrants en Slovaquie »). En juillet 2016, il a pris la présidence tournante de l’Union européenne et obtenu de fait satisfaction au sommet de Bratislava en septembre avec la formule adoptée sur la « solidarité flexible », où l’adjectif vide le substantif de son contenu : la « solidarité » est invoquée pour les fonds européens, « flexible », c’est le droit de refuser de participer à une politique adoptée par l’Ue.
Pour compléter le tableau, la Croatie, dernier pays à avoir intégré l’Ue, affiche elle aussi une dérive nationaliste depuis l’arrivée au pouvoir en janvier 2016 d’une coalition dirigée par le parti nationaliste conservateur Hdz (Union démocratique croate). Le nouveau gouvernement s’est empressé de faire le ménage dans les médias et les institutions culturelles, tout en coupant les subventions attribuées aux médias indépendants et aux organisations de la société civile. La figure emblématique du gouvernement, symbolisant la nouvelle identité idéologique de la Croatie nationaliste, était Zlatko Hasanbegovic, un historien révisionniste sympathisant du régime croate oustachi (pro-nazi) de la Seconde Guerre mondiale10. L’un des principaux dirigeants de Hdz avait répondu à un représentant de la minorité serbe (qui ne représente aujourd’hui que 4 % de la population, alors qu’elle en comptait 12 % il y a vingt ans), qui se plaignait du « climat d’intolérance » qui régnait dans le pays, qu’ils étaient libres de partir pour « un endroit où ils ne se sentiraient pas en danger ». Les liens étroits que Hdz entretient avec l’Église catholique ont mis en exergue des propositions visant à regrouper la faculté de philosophie avec celle de théologie, et ont fait naître des inquiétudes sur la cléricalisation de l’enseignement. Le nouveau Premier ministre Plenkovic, ancien député européen, a adopté un ton plus modéré, mais l’orientation de fond semble maintenue.
Les gagnants et les perdants de la transition
Pour expliquer la régression démocratique, on peut avancer plusieurs hypothèses, qui ne s’excluent pas mutuellement. La thèse la plus répandue est celle d’une société divisée entre les gagnants et les perdants de la transition post-1989. Elle met en lumière la répartition inégale des bénéfices de la croissance économique, et plus généralement, le contraste entre les grandes villes, les diplômés et la jeunesse, tous trois favorables à l’orientation libérale qui a prévalu ces deux dernières décennies, et un électorat plus rural, à la fois moins éduqué et plus âgé. D’où la thèse de deux Pologne et de deux Hongrie qui oppose le « peuple » aux élites urbaines et cosmopolites, en réactivant de vieilles divisions. On retrouve cette dichotomie non seulement dans d’autres pays de la région, mais aussi dans les démocraties occidentales comme en témoignent les analyses des élections présidentielles américaines ou françaises. En Hongrie, il s’agit du clivage entre « urbanistes » (libéraux ou sociaux-démocrates) et « populistes » (nationalistes) qui remonte à la fin du xixe siècle. En Pologne, la carte électorale des dix dernières années correspond à peu près aux oppositions historiques dont les racines remontent aux partitions du pays à la fin du xviiie siècle : les régions de l’Ouest ont tendance à voter pour les libéraux de la Plate-forme civique, alors que les régions de l’Est votent pour les conservateurs du PiS.
Définir les régimes politiques de la Hongrie de Viktor Orbán ou de la Pologne de Jaroslaw Kaczynski n’est pas aisé car s’il ne s’agit plus de démocraties libérales, ils ne relèvent pas (encore ?) d’autocraties sur le modèle de Poutine ou d’Erdogan. Ce sont des régimes hybrides où la dérive autoritaire et la concentration des pouvoirs faussent la compétition politique : des « États non libéraux », selon Orbán, dans lesquels on considère que les freins et contrepoids du pouvoir ne font que limiter la souveraineté du peuple. L’ennemi, c’est l’« impossibilisme légal », selon la formule de Jaroslaw Kaczynski. On se trouve ainsi plus proche de la volonté générale de Rousseau que de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu. Ce sont des régimes d’hégémonie d’un parti ultra-majoritaire, et la décennie en cours sera étudiée comme celle des « transitions vers l’autoritarisme ». Zdislaw Krasnodebski, principal idéologue du parti PiS, formule clairement l’argument sous-jacent contre la démocratie libérale : celle-ci est le projet d’une élite de l’après-1989 qui a abouti à l’atomisation de la société, pendant que l’économie polonaise passait entre les mains d’intérêts étrangers. Il faut donc fonder une nouvelle IVe République11.
L’une des raisons principales du soutien aux partis d’Orbán et de Kaczynski est leur rejet commun de la litanie des années 1990 entretenant une confusion entre libéralisme politique et économique avec pour objectif la construction de « démocraties de marché ». Dans son discours de 2014, Viktor Orbán affirme qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un État libéral pour être économiquement performant (voir Singapour, la Chine, l’Inde ou la Turquie). En effet, Fidesz et particulièrement le PiS doivent une part de leur succès électoral à l’association du nationalisme économique aux préoccupations sociales. Ces partis sont culturellement de droite, mais avec une orientation de « gauche » pour l’économie ; les partis de gauche, eux, défendaient plutôt le pluralisme sociétal (droit à l’avortement, mariage homosexuel, minorités) tout en subordonnant la question sociale aux réformes de marchés. La Hongrie comme la Pologne ont assisté à l’effondrement de la gauche alors que les nationalistes à droite proposent une forme de « conservatisme compassionel » et prétendent se préoccuper des laissés-pour-compte des années de la transition.
Bien que l’argument « gagnants contre perdants » de la transition, politiquement traduit par « le peuple contre les élites », puisse expliquer en partie la régression démocratique, il n’est pas entièrement convaincant, particulièrement dans le cas polonais. Seul pays européen à ne pas avoir connu de récession après 2008, la Pologne a enregistré une croissance de 3, 5 % par an au cours de la dernière décennie. Certes, les bénéfices de la croissance n’ont pas été répartis de façon égale, mais le slogan électoral du PiS, « La Pologne – un pays ruiné », prouve que l’« efficacité » d’un discours n’est nullement liée à la réalité.
L’argument économique a sans doute contribué au rejet d’un gouvernement libéral. Cependant, la Plate-forme civique a perdu les élections polonaises après huit ans au pouvoir, non pas à cause de l’état de l’économie, mais parce que le gouvernement n’avait plus de projet collectif. Tout ce qu’il avait à offrir était la continuité, ou une variante de la fameuse devise de Guizot : « Enrichissez-vous12 ! » À l’inverse, le PiS, lui, avait un projet : la nation souveraine, rassemblée autour des valeurs chrétiennes, en opposition aux élites libérales et à Bruxelles, là où a atterri Donald Tusk après avoir terminé son mandat de Premier ministre à Varsovie.
Le clivage gauche/droite a été remplacé par celui entre libéraux pro-européens et conservateurs nationalistes. Dans un contexte marqué par la crise migratoire majeure, plus que l’économie, ce sont les guerres culturelles qui ont affaibli les libéraux et facilité la dérive autoritaire.
« La cause de la nation et la cause de la liberté »
Observant la Hongrie dans les années 1920, l’historien Oskár Jászi constatait qu’une régression de la démocratie se produit en temps de crise lorsque d’anciennes structures refont surface13. Peut-être l’Europe centrale, en réalité l’Europe tout entière, est-elle entrée dans une telle période de crise et de régression. Dans son œuvre majeure sur les nationalismes en Europe du Centre-Est écrite pendant la guerre, István Bibó, autre penseur politique hongrois, soutenait que la démocratie était menacée par le fascisme « lorsque, à la suite d’un cataclysme ou d’une illusion, la cause de la nation se détache de celle de la liberté, un choc historique entraînant la crainte de voir la liberté menacer la cause de la nation14 ». Or la vague migratoire de 2015, sans précédent dans l’Europe de l’après-guerre, a été interprétée par les élites politiques en Europe centrale et orientale comme un véritable choc dans lequel la « cause de la liberté » (de mouvement), incarnée par la décision de la chancelière allemande Angela Merkel d’ouvrir les frontières, menaçait l’identité nationale et européenne. Cette formulation de l’enjeu devait justifier la construction pendant l’été 2015 d’une clôture anti-migrants le long de la frontière serbo-hongroise, suivie le 4 septembre 2015 par le rejet ferme par le groupe de Visegrád du plan d’accueil et de répartition des réfugiés établi par la Commission européenne.
Les élites politiques ont beaucoup joué de la politique de la peur d’une « invasion musulmane » où se mélangeaient les dimensions sécuritaire et identitaire. Le référendum hongrois du 2 octobre 2016 sur l’immigration devait être un plébiscite, et la date avait été choisie pour coïncider avec le scrutin présidentiel en Autriche. Si Viktor Orbán a obtenu 98 % d’approbation, la participation de seulement 40 % a invalidé le résultat15.
Ces politiques identitaires ont une profonde résonance historique dans les sociétés d’Europe centrale et orientale. Depuis la fin du xixe siècle, ces pays étaient traditionnellement des pays d’émigration et non pas d’immigration. Au cours de ces vingt dernières années, environ un million de Polonais se sont installés au Royaume-Uni, sans parler des cent mille Slovaques et citoyens des États de la Baltique qui les ont suivis. Plus important encore, ces pays se sont lancés, en 1918, sur les ruines d’empires multinationaux (Habsbourg, ottoman ou russe), dans la construction d’États-nations qui tous comptaient en leur sein des minorités représentant environ un tiers de leur population. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle Hitler a fait exterminer les juifs et Staline encouragé l’expulsion des Allemands, les régions du Centre-Est de l’Europe ont connu un processus d’homogénéisation ethnique. Pour la première fois de leur histoire, la Pologne ou la République tchèque sont devenues des États-nations homogènes, pendant que les pays d’Europe de l’Ouest, eux, avec un flux régulier d’immigration économique en provenance du sud de la Méditerranée depuis la fin des années 1960, se transformaient pour s’adapter à la diversité.
Alors qu’en Europe de l’Ouest, des sociétés libérales multi-ethniques sont en cours de développement depuis près d’un demi-siècle, l’Europe centrale n’a connu que des sociétés fermées avant 1989, et n’a pas été exposée à l’immigration venue du Sud depuis. Ces pays ne partagent pas le complexe post-colonial de l’Europe de l’Ouest. Ils se considèrent comme récemment libérés du dernier empire colonial, le bloc soviétique. Au cours de la crise migratoire, les pays d’Europe de l’Est ont eu le sentiment que l’Europe de l’Ouest ou « Bruxelles » tentaient de leur imposer un modèle de société multiculturelle qu’ils perçoivent comme étant « un échec total » – formule reprise du discours d’Angela Merkel au congrès de la Cdu (Union chrétienne-démocrate) en décembre 2010. Dans leur approche de la crise migratoire, le discours politique dominant et les médias ont associé la menace identitaire avec la menace sécuritaire (le terrorisme).
Deux récits opposés sur l’identité européenne, aux profondes répercussions politiques, se sont affrontés. Pendant qu’Orbán revendiquait la protection de la nation et de « la civilisation européenne » par la mise en place de sa clôture frontalière, Angela Merkel faisait appel au devoir d’accueil au nom des valeurs européennes et de l’universalisme des droits de l’homme. Comme elle le rappelle et contrairement à ce qu’avance Orbán, l’Europe est fondée sur un partage de valeurs et de normes communes. La politique d’accueil, et ce qu’on appelle en Allemagne « Willkommenskultur », n’est pas une option mais une obligation, conformément aux engagements de la convention de Genève signés par tous les pays membres de l’Ue. « La dignité de l’homme est inaliénable », dit la première phrase de la Constitution allemande (termes que l’on retrouve dans la plupart des constitutions des pays membres de l’Ue), qu’Angela Merkel a interprétée dans l’été 2015 comme une obligation d’accueillir les demandeurs d’asile.
L’évolution de l’Allemagne au cours de ces quinze dernières années est l’illustration la plus notable de cette interprétation des valeurs européennes. Le pays est en effet passé de la notion de Gemeinschaft (communauté) à celle de Gesellschaft (société), d’une définition ethnique de la nation à une définition civique, avec en parallèle une conversion au modèle d’une société multiculturelle. Entre « patriotisme constitutionnel » (Habermas) et « puissance normative », cette quête de neutralité de l’Europe, affichée par l’Allemagne et l’Ue, est aux antipodes du Zeitgeist de l’Europe du Centre.
Le récit qui domine en Europe centrale repose sur une définition différente à la fois de la nation et de l’Europe. Il remonte au xixe siècle pendant lequel ces nations sans État avaient adopté ce qui était alors le modèle allemand de construction nationale du culturel vers le politique, où l’appartenance à la nation passe par la langue, la culture et souvent la religion. Il est ironique de constater que les pays de l’Europe centrale ont transposé ce modèle sociétal et culturel allemand de la Kulturnation à l’Europe au moment même où l’Allemagne l’abandonnait et devenait universaliste. Alors que les migrants du Moyen-Orient empruntaient la route ottomane via la Turquie et les Balkans pour pénétrer en Europe, les élites politiques de l’Europe centrale et orientale reprenaient un discours aux implications historiquement chargées, où la protection de la nation va de pair avec sa mission de « rempart de l’Europe » contre les menaces extérieures16. Au cours de la période d’après 1945, ces pays avaient résisté au totalitarisme soviétique venu de l’Est. Aujourd’hui, cette « résistance » s’oppose à la menace islamiste venue du Sud. Alors que dans les années 1980, à l’Ouest du continent, le mot « Europe » impliquait « marché commun », ces pays soulignaient leur appartenance à une culture occidentale et à une civilisation européenne. Ce discours des années 1980 sur l’Europe centrale comme « Occident kidnappé » (Kundera17), développé à la fois par les écrivains et les intellectuels dissidents ou exilés, a triomphé en 1989. Pendant un temps, alors que les dissidents étaient propulsés au-devant de la scène politique, il y eut une attente ou une illusion quant à la contribution de l’Europe centrale à la redéfinition de l’identité d’une Europe réunie. Au lieu de cela, l’éclipse des intellectuels et la priorité donnée à l’intégration économique ont eu pour conséquence l’essoufflement du discours sur l’Europe centrale au profit de préoccupations plus prosaïques et « normatives » de l’intégration dans l’Ue.
Cependant, dans les années 1980, ce discours centre-européen associait l’Europe en tant que culture et civilisation plurielles avec le langage des droits de l’homme, de la société civile et du changement démocratique. Le « moment Kundera » associé au « moment Havel »18. Aujourd’hui, les deux sont mis en opposition.
L’épuisement du cycle libéral d’après-1989
L’orientation anti-libérale en Europe centrale a ravivé l’image d’un continent divisé entre l’Est et l’Ouest et même l’idée que l’élargissement à l’Est de l’Ue aurait été prématuré ou une erreur. Ce serait faire une lecture erronée du problème et de la situation actuelle. La réaction populiste en Europe centrale et orientale a bien ses particularités, dues à des cultures politiques et à des attitudes propres à l’égard du projet européen. Mais la crise du libéralisme et la montée de différentes formes de nationalisme populiste sont aussi des phénomènes transeuropéens et même transatlantiques. Autrefois, l’anti-libéralisme en Europe allait de pair avec l’anti-américanisme. Maintenant, c’est l’Amérique de Donald Trump qui mène le mouvement anti-libéral. Trump et Poutine convergent dans leur mépris d’une Europe décadente et en déclin. Le premier prospère grâce à l’insurrection populiste, le second préfère la manipuler de loin.
Le cycle libéral d’après-1989 est épuisé. En Europe centrale, il reposait sur une triple transition vers la démocratie, vers l’économie de marché et vers l’Europe. Les trois objectifs, qui ont été atteints avec l’adhésion à l’Ue, sont aujourd’hui en crise. Les institutions démocratiques ont été construites mais doivent maintenant faire face à la régression « illibérale ». L’intégration dans l’économie de marché occidentale fut parachevée juste avant la crise financière mondiale de 2008. L’intégration dans l’Union européenne en 2004 a été célébrée comme une unification de l’Europe, avant que l’on découvre qu’elle était divisée et que l’intégration européenne elle-même était menacée. L’échec de projets politiques orientés vers l’avenir a laissé la place à l’économie et à la tyrannie de l’immédiateté (les marchés et les médias). Partout en Europe (pas uniquement dans le Centre-Est), les élites libérales se replient parce qu’à l’âge de la globalisation, elles n’ont plus grand-chose à promettre. Leur discrédit et celui des grands partis politiques ont créé un nouvel espace pour les politiques identitaires des mouvements populistes. Après plus de deux décennies de libéralisme dominant, c’est le retour au communautarisme et au nationalisme.
On peut faire une autre lecture, peut-être complémentaire, de cette fin d’une époque, au regard de ce que Michael Walzer appelle « le paradoxe de la libération19 ». En examinant les cas de l’Algérie, de l’Inde et d’Israël, Walzer expose comment des mouvements de libération nationale de tradition laïque ont, vingt-cinq ans plus tard, été remis en question par un retour de bâton religieux, les bâtisseurs d’États-nations modernes étant remplacés par des religieux conservateurs. Un schéma assez similaire vaut pour l’Europe centrale et orientale : après un quart de siècle de « Grande Transformation », nous sommes les témoins d’une réaction conservatrice contre les élites libérales pro-européennes et modernisatrices qui ont dominé l’après-1989.
Un recueil d’essais regroupant une quinzaine d’auteurs polonais (Krasnodebski, Cichocki, Wildstein, Gawin…) met l’accent sur trois impasses de ce que l’on pourrait appeler la « pensée ’8920 ». D’abord, le primat de l’individualisme, du langage des droits aux dépens de la dimension collective de l’identité (la nation, l’Église). Ensuite, l’exclusion de la mémoire du communisme comme obstacle à la modernisation du pays (le « gros trait » que le gouvernement Mazowiecki voulait tirer en 1989). Enfin, l’impasse libérale sur l’État comme sujet souverain en politique intérieure et extérieure au nom de visions kantiennes de la « paix perpétuelle » ou de la « fin de l’histoire » à la Fukuyama. Au-delà de la réflexion sur la modernisation et sur les cycles du libéralisme, on peut se demander si la vague actuelle du populisme et du conservatisme culturel ne fait pas aussi partie de la fin d’un cycle historique long qui remonte aux Lumières et fut associé à l’idée (libérale ou socialiste) du progrès. L’appel à la « contre-révolution » culturelle d’Orbán et de Kaczynski sonne aussi comme un rejet des Lumières. Les populistes radicaux ne sont pas des conservateurs, mais des réactionnaires21.
La dimension transeuropéenne
Il serait trompeur d’interpréter la crise actuelle de la représentation démocratique et la montée du populisme nationaliste comme une aberration de l’Europe du Centre-Est. Il s’agit bien d’un phénomène transeuropéen, dont certaines caractéristiques sont plus prononcées à l’Est du continent. Ce phénomène s’enracine dans la fin du cycle libéral post-1989, accompagné de l’épuisement de projets idéologiques hérités du xxe siècle et de la désagrégation des systèmes de partis en vigueur. La fracture gauche/droite s’est réduite à mesure que la mondialisation restreignait l’espace laissé à des politiques économiques alternatives, et que l’on substituait les « questions sociétales » à la « question sociale ». La montée des populismes antilibéraux à l’œuvre dans la plupart des pays de l’Ue tend à remplacer les clivages anciens par l’opposition entre « souverainistes » et « européistes ».
Alors que la démarcation entre politique intérieure et politique extérieure s’estompe et que le défi populiste monte en puissance, la vague migratoire représente une invitation pour l’Europe à s’autodéfinir. Le sujet est trop important pour être laissé entre les mains d’Orbán et de Kaczynski, ou par défaut, entre celles d’Angela Merkel. Il faudrait au contraire qu’il fasse l’objet d’un débat transeuropéen entre intellectuels et membres de la société civile. De cette façon peut-être, dans ce moment critique, pourrait-on construire un espace public européen sans lequel le projet européen ne pourra pas survivre.
L’Union européenne, dernier projet élitiste à l’âge du populisme, peut-elle contenir ses divisions internes ainsi que le défi populiste ? Une Europe affaiblie, confrontée aux appels à la renationalisation, peut-elle contenir la dérive antilibérale en Europe centrale et orientale ? Trois éléments permettent de le penser. Le premier associe la résilience institutionnelle européenne avec les intérêts des pays de l’Europe du Centre-Est. L’Europe a tardé à répondre à l’évolution de la Hongrie depuis 2010, mais a rapidement réagi en réponse aux lois illibérales concernant la Cour constitutionnelle et l’indépendance des médias en Pologne. En quelques jours, le vice-président hollandais de la Commission européenne, Frans Timmermans, a demandé des clarifications ; en quelques semaines, il a mis sur pied un processus de surveillance auquel participaient des intervenants extérieurs tels que la Commission de Venise ; en quelques mois, il y a eu une amorce de discussions sur des possibilités de sanctions. Ces dernières n’aboutiront peut-être pas, étant donné qu’il faudrait une décision à l’unanimité, mais c’est le processus lui-même qui contribue à contenir la dérive. Il peut être d’autant plus efficace que ni Orbán ni Kaczynski ne sont prêts à une confrontation qui les mènerait à quitter l’Union européenne, étant donné les bénéfices économiques considérables que leur pays retire des transferts de l’Ue : environ cent milliards d’euros dans le budget actuel de l’Ue pour la Pologne, l’équivalent de 3 % de son Pib pour la Hongrie. La politique anti-libérale de Viktor Orbán n’est viable que grâce aux fonds européens !
Le deuxième élément est géopolitique : la puissance de l’Europe a beau être affaiblie, la montée de l’instabilité dans sa périphérie Est (Ukraine) ainsi qu’au Sud, associée à l’ascension de puissances autoritaires que sont la Russie et la Turquie, devrait contribuer à se concentrer sur l’essentiel. La promotion de la démocratie dans le voisinage de l’Ue22 rencontre d’évidentes limites géopolitiques, mais celles-ci peuvent aussi contribuer à contenir la dérive illibérale dans les États membres est-européens concernés.
Enfin, des résistances s’affirment par le bas. En Pologne, un fort mouvement de contestation a émergé en réponse au tournant nationaliste illibéral à la suite de l’accession au pouvoir du PiS. Baptisé Kod (Comité de défense de la démocratie), ce mouvement fait écho de façon assez évidente au Kor de 1976 (Comité de défense des ouvriers), le prélude dissident au mouvement Solidarnosc. Il s’agit d’un mouvement horizontal, qui organise des manifestations de masse contre des mesures gouvernementales spécifiques, mais qui refuse de se convertir en parti politique. Pierre Rosanvallon a parlé à propos des nouvelles formes de contestation dans les démocraties fatiguées en Europe de « contre-démocratie » ou de « démocratie de la défiance23 ». Si cette dernière comporte une tendance populiste anti-libérale et anti-élites, elle voit aussi l’émergence de mouvements de contestation de la société civile qui à la fois mettent à mal les structures de partis politiques existants et pourraient être source de renouveau des institutions démocratiques. La « démocratie de la défiance » s’est développée en Europe du Sud et de l’Ouest contre le consensus libéral. La situation en Pologne montre qu’elle pourrait aussi devenir un contrepoids à la dérive politique « illibérale » en Europe centrale.
- 1.
Peter Foster, “Viktor Orbán interview : Full transcript”, Daily Telegraph, 11 novembre 2016. Le président tchèque Miloš Zeman, dans sa lettre de félicitations à Donald Trump, a pour sa part fièrement affirmé : « Dans mon pays, je suis connu comme le Trump tchèque. » Quant à son prédécesseur, Václav Klaus, qui n’a pas caché son soutien au Brexit et son admiration au parti Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD), il a salué avec Trump une victoire du « bon sens des gens ordinaires ». Václav Havel se retourne dans sa tombe !
- 2.
Nelson Fraser et James Forsyth, “How Teresa May Can Seize the Brexit Revolution”, The Spectator, 9 juillet 2016.
- 3.
Voir Roberto Stefan Foa et Yascha Mounk, “The Signs of Deconsolidation”, Journal of Democracy, vol. 28, no 1, janvier 2017.
- 4.
En abaissant l’âge de départ à la retraite des juges, Orbán a réussi à écarter tout un pan de l’appareil judiciaire, qu’il a immédiatement remplacé par des juges à la fois plus jeunes et plus « fiables » politiquement. Voir la présentation de Kim Lane Scheppele au congrès du Council for European Studies à Paris le 12 juillet 2015.
- 5.
Pour une chronique détaillée du processus, voir András Pap, Hungary : A Constitutional Diary of the Illiberal U-Turn, Londres, Routledge, 2017 (à paraître).
- 6.
Henry Foy et Nic Buckley, “Orbán and Kaczynski Vow Cultural Counter-Revolution to Reform the EU”, Financial Times, 7 septembre 2016. Le terme « contre-révolution » est utilisé par Viktor Orbán à l’étranger seulement, car en Hongrie il renvoie à la dénonciation par les communistes de l’insurrection de Budapest en 1956.
- 7.
David Klimeš, “Slovaks Affraid of Just How Far Extremist Kotleba Will Go”, E15 Weekly, 25 novembre 2013.
- 8.
« Je ne laisserai jamais entrer un seul migrant musulman par le système des quotas… Personne ne peut nous contraindre à accepter des migrants en Slovaquie », a déclaré le Premier ministre Fico. Voir Henry Foy, “Anti-Migrant Rhetoric Dominates Slovakia Vote”, Financial Times, 4 mars 2016.
- 9.
Un sondage effectué par l’institut Focus indique non seulement que les électeurs de Smer penchent de plus en plus vers des partis plus nationalistes, mais surtout que cette tendance est plus marquée chez les jeunes. En effet, aujourd’hui, c’est le parti d’extrême droite de Marian Kotleba qui a les préférences des 18-39 ans, loin devant le Smer et le Sns. Voir Miro Kern, « Kde miznu Focovi volici ? » (Où disparaissent les électeurs de Fico ?), Dennik N, 9 décembre 2016.
- 10.
Paul Hockenos, “Croatia’s far Right Weaponizes the Past : The New Government Includes an Outspoken Apologist for the Country’s World War II-Era Fascist Regime”, Foreign Policy, 6 mai 2016. Hasanbegovic avait encensé un documentaire sur le camp de concentration de Jasenovac prétendant que le nombre de victimes serbes, roms et juives avait été largement exagéré.
- 11.
Zdislaw Krasnodebski, Demokracja peryferii, Gdansk, 2003. Voir également « Grzeznaca revolucja », Polityka, no 17/18, avril-mai 2006.
- 12.
« Enrichissez-vous ! » est la fameuse phrase de Guizot habituellement citée de manière tronquée ; la phrase complète est « Enrichissez-vous, par le travail, par l’épargne et la probité ».
- 13.
Les essais de 1927 d’Oskár Jászi ont été republiés dans un recueil intitulé The United States of Europe, Budapest, Hungarian European Society, 2006, p. 13.
- 14.
István Bibó, Misère des petits États d’Europe de l’Est, Paris, L’Harmattan, 1986, p. 11.
- 15.
En tête des Européens de l’Est et du Centre en colère face à l’immigration imposée par l’Europe, Viktor Orbán a affirmé que s’il n’avait pas fait construire cette clôture à la frontière « au bout d’un an ou deux, la Hongrie aurait été méconnaissable et aurait ressemblé à un vaste camp de réfugiés, une sorte de Marseille d’Europe centrale ».
- 16.
La rhétorique contemporaine sur la route migratoire « ottomane » a des implications historiques : elle renvoie aux Ottomans ayant atteint Budapest au xvie siècle et qui furent repoussés aux portes de Vienne en 1683 par les troupes du prince polonais Sobieski.
- 17.
Milan Kundera, « La tragédie de l’Europe centrale : un Occident kidnappé », Le Débat, novembre 1983.
- 18.
Il s’agit aujourd’hui d’une version déformée de ce discours. Kundera et Milosz parlaient avec nostalgie d’une Europe centrale plurielle. La définition de Kundera : « Un maximum de diversité dans un minimum d’espace. »
- 19.
Michael Walzer, The Liberation Paradox : Secular Revolutions and Religious Counter-Revolutions, New Have, Yale University Press, 2016.
- 20.
Maciej Ruczaj (sous la dir. de), Pravym Okem. Anthologie polskeho politickeho mysleni, Prague, 2010. Voir aussi Ryszard Legutko, The Demon of Democracy : Totalitarian Temptations in Free societies, New York, Encounter Bools, 2016.
- 21.
Une importante distinction que développe Mark Lilla dans son essai, The Shipwrecked Mind, New York, New York Review of Books, 2016.
- 22.
Jacques Rupnik (sous la dir. de), Géopolitique de la démocratisation. L’Europe et ses voisinages, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.
- 23.
Pierre Rosanvallon, la Contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006.