
La crédulité du savant
À une époque où la science et le progrès paraissent de moins en moins crédibles, le récent ouvrage de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, révèle une foi invincible dans ces idéaux fondateurs de la pensée moderne. Mais le progrès, ainsi conçu, voudrait qu’on lui sacrifie l’homme lui-même.
« À la vérité, nous vivons en un siècle qui ne produict les choses que bien mediocres1. »
Force est de reconnaître qu’il est difficile d’être moderne aujourd’hui. Le monde doit sembler de plus en plus sombre et grotesque à celui qui s’évertue à porter haut les lumières de la raison. Le projet moderne était pourtant noble. S’il était de dominer la nature par la technique, il était aussi bien d’émanciper l’homme par la science. L’idée de progrès était son principe agissant ; l’humanité accomplie était la fin poursuivie. Elle était la promesse d’un avenir radieux. Faudra-t-il qu’il y renonce et consente à l’échec ? Les faits semblent contre lui ; l’opinion du grand nombre également. Les crises ne se font pas suite ; elles s’installent et s’accumulent. Et sous le poids des nouvelles, elles s’aggravent : crise écologique, énergétique, économique, démocratique, sanitaire, etc. Les esprits sont désorientés. Noyé dans la masse confuse des informations innombrables, chacun incline à croire les raisons que le désir, la peur ou la colère du momen