
De crasse et de roses
La Faculté des rêves de Sara Stridsberg, mise en scène de Christophe Rauck
Au Théâtre Nanterre-Amandiers, Christophe Rauck adapte le roman La Faculté des rêves, de la Suédoise Sara Stridsberg. Cette « fantaisie littéraire » foutrement politique explore la vie et l’œuvre de l'autrice américaine Valerie Solanas, dont les écrits ont inspiré le féminisme radical.
Avril 1988. Quelque part, dans un hôtel de Tenderloin, quartier à michetons de San Francisco, meurt la « première pute intellectuelle de l’Amérique ». Qui donc ? Valerie Solanas, « la misanthrope utopique », « l’enfant sans enfance », qu’un Michel Houellebecq, dont les positions féministes nous demeurent obscures, campe en « être incomplet, torturé, contradictoire, fascinant et exaspérant, comme le sont toujours les prophètes1 ».
Qui s’y frotte s’y brûle. Née aux États-Unis en 1936, dans l’ombre des concours de Miss America et des casinos du New Jersey, elle se présente, sans ambages, « politiquement femme, lesbienne, orpheline de père ». Existence marquée, à tous égards, du sceau des voracités masculines : violée dans l’enfance par son père et son beau-père ; battue par son grand-père ; SDF à treize ans ; deux fois mère avant quinze ans – un premier enfant élevé comme sa sœur, le second confié à l’adoption.
Étudiante, Valerie excelle en psychologie à l’Université du Maryland. Elle débarque dans les années 1960 à New York, où elle fait la manche et quelques passes – « dix pour la baise, cinq pour la pipe, deux pour la branle ». En 1965, elle fait la rencontre, cardinale, d’Andy Warhol. S’ensuit, l’année suivante, l’écriture de SCUM (ente